Dernier jour 8h45

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Associated Press, Le Vatican, aujourd'hui, 08h42. Le porte-parole de Sa Sainteté Jean-Paul V vient de confirmer que le Pape fera dans l'après-midi, une déclaration au sujet de l'Annonce. Le porte-parole du Vatican a précisé que le Pape avait décidé de sortir de sa réserve afin de favoriser un retour au calme. Il semblerait donc que les pressions considérables et réitérées avec insistance depuis quelques semaines sur le Vatican par les gouvernements occidentaux aient fini par porter leurs fruits.

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Dès qu'elle fut sortie de chez Michael, Ada se mit à marcher aussi vite qu'elle le pouvait sous la pluie battante. Sur le boulevard, une voiture de patrouille qui passait dans l'autre sens ralentit, et le policier au volant l'observa avec insistance. Ada se demanda si c'était parce qu'elle était jolie fille, avant de voir qu'un peu plus loin une bande d'au moins trente ados très excités étaient en train de jeter tout ce qui leur tombait sous la main sur deux voitures de police qui restaient à bonne distance et les exhortait au calme par porte-voix, sans succès. Elle tourna dans une rue latérale afin de s'éloigner au plus vite de la scène.

Avant de prendre son téléphone pour appeler sa mère, elle calcula que le décalage horaire était compatible, qu'elle ne la tirerait pas du lit.

— Maman ?

— Oh ! Ada ! répondit joyeusement Ruth, quelle bonne surprise ! Quelle excellente surprise ! Comment vas-tu, mon amour ?

— Je vais bien Maman, je vais très bien, et je t'adore aussi, mais je viens d'apprendre quelque chose qui me trouble un peu.

— Ah ? Rien de grave j'espère ?

— Et bien, en fait, si, c'est assez grave. Est-ce que Tim est là ?

— Oui, pourquoi ?

— Est-ce que tu peux me le passer s'il te plaît ?

— Bien entendu, mais que ce passe-t-il ? Pourquoi ne veux-tu pas m'en parler ? Tu vas bien ? Tu n'es pas enceinte au moins ?

— Non, Maman, je ne suis pas enceinte et je vais très bien. Il faut d'abord que je vérifie quelque chose avec Tim, et ensuite on se reparle, d'accord ? Est-ce que tu peux me le passer, s'il te plaît ?

— Oui, bien entendu. Tim ! Tim ! Ada au téléphone, elle veut te parler. Non, ce n'est pas une blague. Viens par là, c'est Ada.

— Tim.

— Bonjours Tim, c'est Ada.

— Bonjours Ada. Comment vas-tu ?

— Écoute Tim, il est possible que nous n'ayons que peu de temps, et je pense qu'il vaut mieux considérer qu'il est plus sûr de ne pas faire référence de façon explicite à des évènements ou à des noms précis. D'accord ?

Il y eut un silence notable.

— Allons-y, répondit-il avec circonspection. De quoi veux-tu parler ?

— La dernière fois que je suis venue vous voir. Est-ce que tu te souviens que j'ai ramené un cadeau surprise ?

Il y eut un silence plus que notable cette fois, les secondes s'égrenèrent.

— Oui, je m'en souviens très bien.

— Bien. Cette affaire est en train de connaître un revirement qui nous est défavorable.

— Ah ?

— On m'a dit de te le dire.

— Ah ?

— Je ne sais pas ce que tu peux faire, mais de notre côté, moi et qui-tu-sais, on va tenter de prendre la tangente en quatrième vitesse. Tu vois ce que je veux dire ?

— Oui, je crois que je vois. Oui, je vois très bien. Et tu appelles pour nous recommander de faire de même ?

— On m'a recommandé de vous prévenir. Je ne sais pas ce qui est le plus approprié pour vous, mais... je considère que la source d'information est très fiable, je lui attribue une grande confiance, et des évènements récents et très néfastes confirment son analyse.

— OK. Très bien. Très bien. Tu sais Ada, je veux en premier lieu te demander pardon pour cette idée de cadeau surprise. J'ai cru te protéger. Je veux dire en omettant de te mettre dans la confidence. C'était une mauvaise idée. Mais, à l'époque, je n'avais pas beaucoup de choix.

— Tim, cela n'a plus d'importance maintenant. Et je te pardonne. Ne te fais pas de soucis pour ça. Mais je voudrais que tu fasses tout ce qui est possible pour vous mettre à l'abri, Maman et toi.

— J'ai compris.

— Elle a besoin de toi.

— Oui, et moi d'elle.

— Tu as des idées ?

— Pour prendre la tangente ? Il eut un petit rire nerveux. Tu sais, j'ai de nombreux défauts, mais je ne suis pas limité par mon imagination.

— Oui, je sais... Tim ?

— Oui.

— J'ai l'intuition que c'est peut-être bien la dernière fois que nous nous parlons. Alors, je tiens à te dire que je t'aime, et que je te remercie du fond de mon cœur pour tout ce que tu as fait pour Maman.

— Je t'aime aussi, Ada. Je t'aime comme si tu étais ma propre fille.

— Est-ce que tu peux me passer Maman ? Je vais essayer de lui dire au revoir sans trop l'inquiéter. Mais je suis anxieuse à votre sujet.

— Je vais m'occuper de tout, Ada. Fais-moi confiance. En fait, j'avais préparé cette éventualité. Dès que tu auras raccroché, nous serons en chemin. Je te passe ta mère.

— Ada ? De quoi parliez-vous ? Que se passe-t-il ?

— Maman ! Maman ! On va disparaître de la circulation, moi et qui-tu-sais, au moins pour un certain temps.

— Pardon ?

— Maman, je ne peux pas t'expliquer. Je ne peux pas.

— Mais que se passe-t-il enfin ?

— Tim va t'expliquer. Il faut que tu nous pardonnes, ce n'est pas de notre faute, ni Tim, ni moi. On a fait du mieux qu'on a pu.

— De quoi parles-tu ?

— Maman, écoute-moi. On n'a pas beaucoup de temps. J'aurais voulu te revoir et te serrer dans mes bras.

Ada s'arrêta pour reprendre son souffle, elle avait la gorge serrée et les larmes brouillaient sa vision. Soudain, il sembla bien que Ruth venait de comprendre la nature de la situation, car elle s'écria avec force :

— Oh Ada ! Ada ! Je t'aime Ada !

— Je t'aime aussi Maman. Et je voulais te souhaiter bonne chance, à toi et à Tim.

— Oh, Ada ! La chance, pour peu qu'il n'y en ait pas beaucoup à partager, c'est à vous qu'il faut qu'elle revienne.

— Il faut qu'on se dise au revoir Maman.

— Ada ?

— Oui, Maman ?

— Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée, la lumière de ma vie... j'aurais tant voulu te voir mariée, et que tu aies des enfants à ton tour !

Ruth s'arrêta, elle ne pouvait plus parler sous l'effet de l'émotion. Ada murmura :

— Maman, je ferai des enfants pour toi.

Soudain, le ton de Ruth changea, elle dit avec fermeté à sa fille :

— Ada ! Il faut que tu t'en sortes. Tu es plus intelligente et plus tenace que tu ne le crois. N'abandonne pas ! N'abandonne jamais !

— Je n'abandonnerai pas, Maman, je te le promets.

— Et, dis-toi bien, surtout, dis-toi bien, que vivante ou morte, je serai avec toi, je serai toujours avec toi.

Ada hocha la tête, elle continuait à marcher sous la pluie en tenant son téléphone devant elle. Elle prit conscience qu'elle avait perdu la notion de l'endroit où elle était, et que c'était très mauvais signe. Il fallait qu'elle se reprenne. Il était d'une importance vitale qu'elle garde les idées claires pour agir, car le temps allait bientôt venir à lui manquer.

— Au revoir Maman, fit-elle à regret.

— Adieu Ada.